Êtes-vous en apnée stratégique ?

Pourquoi les dirigeants étouffent dans l'opérationnel

Punchline
7 min ⋅ 13/11/2025

Bienvenue dans Punchline, la newsletter du duo Punchie.Nous sommes Félix et Jean, entrepreneurs et coachs depuis 8 ans, spécialisés dans l'amélioration de la performance des dirigeants et dirigeantes à travers les interactions et la communication. Notre mission : soulever les bonnes questions, décrypter les dynamiques d'équipe, aider les leaders à gagner en lucidité et à prendre des décisions.

"L'important, c'est l'exécution !"

On l’entend partout cette phrase. Des blogs aux podcasts startup en passant par les posts LinkedIn auto-congratulatoires. L’importance de l’exécution, c'est devenu un mantra de l'entrepreneuriat. Un mantra qui dit en substance :
stratégie = blabla
exécution = résultats.

Et vous savez quoi ? C'est vrai.

Mais pendant 5 minutes.

En effet, au début d'une boîte, la tactique c'est souvent tout. Pour passer de 0 à 1, émerger, trouver des clients, motiver les troupes, projeter de la confiance, oui, là, c'est beaucoup une histoire de "comment". Puis il y a un palier : un palier de croissance à dépasser, qui nécessite de s'arrêter, de réfléchir, de poser un cap et de prendre des décisions. Un palier que beaucoup ne franchissent jamais, bloqués sur place avec l’impression d’être toujours en sprint.

Selon la BPI, seulement 10% de l'agenda des dirigeants de PME et ETI est consacré aux tâches non-opérationnelles, alors qu’une majorité voudrait y consacrer le double.
10% pour penser à demain, 90% pour survivre à aujourd'hui.
10% d’oxygène, 90% d’apnée.

Et pourtant, selon PwC, 4 CEO sur 10 pensent que leur boîte ne survivra pas 10 ans si elle continue sur la même trajectoire.

La question qu’on voudrait poser dans cet article c’est : pourquoi ?

Pourquoi est-ce qu’il semble plus facile de rester en apnée dans les enjeux court-terme et opérationnels, que de sortir la tête de l’eau et penser à l’avenir ?

Pourquoi est-ce que la stratégie fait peur ?

On va essayer de décortiquer tout ça, mais commençons par le début.

La stratégie, c’est un grand mot qui désigne pourtant une idée toute simple :
savoir où on va et comment on y va.

Mais parfois, parce qu’on est sous l’eau avec bien assez d’urgences à gérer, on ne sait pas vraiment qu’on ne sait pas où on va.

Et là, un certain nombre de signaux ne trompent pas : 

  • Le plateau mystérieux : votre CA stagne depuis des mois, sans que vous sachiez exactement pourquoi, et vous accumulez les hypothèses (conjoncture, saisonnalité, concurrence) sans vraiment saisir le fond du problème.

  • La sur-délégation : comme vous ne savez pas exactement où aller, vous demandez à vos C-levels de définir une vision sur leurs pôles respectifs. Résultat : silotage et visions concurrentes qui se télescopent. 

  • Les CoDirs qui vrillent : vos CoDirs s’embourbent souvent dans des désaccords, des problématiques opérationnelles ou des sujets perso.

  • L’obsession tactique : un enjeu très précis vous bouffe un temps énorme. Que ce soit “le taux de churn est trop élevé” ou “il faut qu’on fasse des pubs Facebook”, tout votre esprit est absorbé par une seule problématique désespérément micro.

  • La paralysie du choix : choisir, c’est renoncer. Mais comme vous n’avez pas pris de décisions structurantes, vous vous retrouvez en permanence face à une multiplicité d’options, toutes ouvertes : vous hésitez entre trois marchés et plusieurs cibles clients, vous développez quatre fonctionnalités en parallèle, vous recrutez dans tous les sens…

  • Le syndrome du pompier : vous vous sentez utile quand vous êtes en train de “faire”. Vider votre agenda vous remplit d’angoisse. Vous tirez plus de satisfaction à éteindre des feux qu’à les prévenir. Vous gérez parfaitement le quotidien : une bonne journée, c’est une journée où on dépile les tâches et où on accumule des micro-victoires.

Si vous vous reconnaissez dans plusieurs de ces signaux, vous avez probablement une impression étrange de courir sans avancer. Étrange, parce que ce n’est pas intégralement désagréable : on en parlait dans notre article sur le War Mode : parfois, quand on est en plein sprint, on se dit “c’est bon, moi je donne tout, je fais le max, on pourra rien me reprocher si ça ne marche pas”.

Et pourtant, vous sentez que quelque chose cloche et que vous (et donc vos employé·es) manquez d’une direction. Mais c’est plus fort que vous, vous évitez le sujet. Quand quelqu’un (au hasard, vos coachs) vous demandent votre stratégie à 3 ans, vous répondez, généralement du tac-au-tac : “non mais ça c’est bon, la strat, c’est dans le pitch deck” ou “non, c’est pas le sujet, le sujet c’est le churn”.

On est au regret de vous dire : la stratégie, c’est le sujet.

Mais, au fil des accompagnements chez Punchie, on est aussi de plus en plus conscients d’un autre fait : ce refus, ce n'est pas de la résistance classique au changement. C'est bien plus profond et plus viscéral.


Paf. Direct. Comme ça. Sans transition.

Mais en fait, c’est exactement le nœud du problème : la peur de faire de la stratégie, c’est exactement la même qui fait qu’on repousse à plus tard les sujets de type testament/assurance-vie/retraite. C’est une angoisse existentielle et terriblement humaine : penser à l’avenir, c’est angoissant. Déjà, parce que le monde n’est pas hyper prometteur, en termes de lendemains qui chantent. Mais aussi parce que penser à l’avenir, c’est se confronter à ses aspirations profondes (qu’on peine à s’avouer), ses limites (qu’on préférerait ignorer), à l’incertitude (qu’on déteste), et à la fin (bonne ou mauvaise) de la boîte. C'est plus rassurant de rester sous l’eau, parce que le présent, on le maîtrise (à peu près).

Faire de la stratégie, c'est accepter de sortir de son apnée pour dresser la tête vers un futur incertain. Et notre cerveau, programmé pour éviter l'inconfort, préfère mille fois gérer une énième crise de churn plutôt que de se demander ce qu’on fera (et qui on sera) dans 3 ans.

Et de cette peur fondamentale découlent toutes les autres peurs qui empêchent de s’attaquer au sujet :

  • La peur de l'échec : les “peut mieux faire” à l’école le savent bien, si on se fixe un objectif clair, alors on peut échouer de façon visible. Tant que le but est flou, on ne peut pas vraiment foirer.

  • La peur de ne pas savoir ce qu’on veut : faire une stratégie à plusieurs années, c’est aussi se poser des questions existentielles sur la vie qu’on souhaite d’ici plusieurs années. Si c’était facile, ça se saurait.

  • La peur de sortir des rails : culturellement, on apprend à suivre des règles. On récupère des modèles établis de réussite, de couple, et même d’entrepreneuriat (“founder tech qui lève des millions” vs. “gestion de PME en bon père de famille”). Définir une stratégie qui nous ressemble, c’est vertigineux, car ça implique de créer ses propres règles.

  • La peur de l’imposture : et si on pondait une stratégie nulle, et que soudain tout le monde (en interne comme en externe) réalisait qu’on était pas si balèze que ça ? Mieux vaut ne rien faire, alors, ou se cacher derrière le perfectionnisme : “là tout de suite, c’est pas le bon moment, on verra quand on pourra faire ça bien”.

Forcément, dit comme ça, ce n’est pas étonnant que les réactions soient souvent virulentes quand on aborde le sujet de la stratégie. Rester en apnée, c'est un mécanisme de survie psychologique.

Seulement voilà.

Rester en apnée stratégique, ça finit par poser quelques problèmes. Et pas que pour vous.

Pour votre entreprise d'abord. L’absence de stratégie mène à la dispersion, et la dispersion coûte cher. Quand vous n'avez pas de cap, vos équipes non plus. Résultat : tout le monde rame dans des directions différentes. Vous sentez bien que la performance de certaines personnes n’est pas au rendez-vous, mais vous ne savez pas l’évaluer. Vos commerciaux promettent trop, votre produit s’éparpille, vos investissements se morcellent. Selon McKinsey, seulement 50% des CEO disent que leur budget est aligné avec leur stratégie, et 53% qu’ils financent réellement leurs priorités stratégiques. Traduit simplement : vous claquez votre thune n'importe comment. Sans cap, impossible d'anticiper les vrais dangers, de voir la concurrence arriver, de défendre votre avantage concurrentiel : le crash peut être lent, mais il est en marche.

Pour vos équipes ensuite. Sans direction claire, vos collaborateurs et collaboratrices perdent confiance. D'abord en elles et eux ("je galère, c’est peut-être ma faute ?"), puis en vous ("est-ce qu'il/elle sait ce qu'il/elle fait ?"). Les meilleurs partent, les autres restent mais décrochent. Là, vous pourrez balancer tous les messages motivationnels que vous voulez (“failure is not an option !”, “on va plier le game”, “dream big”), ça ne prend pas. Et ça peut vous agacer, au point de vous retrouver à alterner entre des phases où vous êtes G.O. du Club Med pour tenter de motiver les troupes, et des phases dictatoriales pour récupérer le lead.

Pour vous enfin. Car rester en apnée, c'est épuisant. Vous vivez dans l'urgence permanente, vous perdez le plaisir de diriger, et au bout du compte, vous risquez le crash : burn-out, mauvaises décisions prises sous pression, perte de lucidité. Selon deux études (WILLA x Harmonie Mutuelle et APESA) c’est terriblement courant : 88 % des dirigeants de PME vivent un stress chronique, 43% ont des sautes d’humeur invalidantes (alors que revoilà le G.O./dictateur), 38% sont proches du burn-out, 31% développent une dépendance à l’alcool et aux anxiolytiques et 27% subissent un isolement relationnel croissant.

Mais oui, bien sûr qu’on va parler solutions.



Si vous êtes dirigeant ou dirigeante, ça commence par vous. Vos C-levels auront leur vision, vos collabs des idées, mais la responsabilité de la direction est entre vos mains.

OK mais comment faire ?

1/ S’offrir un peu d’air stratégique dans son quotidien

Libérez-vous du temps pour penser. Est-ce que l’idée de vous caler au minimum une journée par semaine sans réunions opérationnelles et sans bureau des plaintes vous fait peur ? Alors c’est par là qu’il faut commencer. Bloquer de l’espace dans son agenda, ça fout les jetons (c’est déroutant au début de ne pas être en train de “faire”), mais c’est essentiel.

Rendez-vous dispensable. Tant que vous pensez être "l'âme du bureau" et que rien ne tourne sans vous, vous restez prisonnier de l'opérationnel. Votre job n'est pas d'être partout, c’est qu’on sache faire sans vous car la direction est claire.

Acceptez l'inconfort. Quand on remonte à la surface après une longue apnée, on se fait gifler par un paquet de questions compliquées qui attendaient patiemment leur moment pour nous revenir en pleine face. C’est normal.

Soyez méthodique. Commencez par vous projeter à 10 ans : à quoi ressemblera votre vie et votre entreprise quand vous aurez réussi ? Puis revenez à 3 ans : quels chiffres, quels indicateurs pour être sur la bonne voie ? Enfin, déclinez en tactique : quels projets précis sur les 18 prochains mois, avec qui, quand, comment ? Une fois que c’est fait, recommencez tous les 6 mois à 1 an.

2/ Parfois, il est nécessaire de prendre une grande inspiration

Mais voilà. Quand l’apnée dure depuis un moment, on ne sait pas par où commencer. En prime, parfois la boîte s’est nécrosée : on a créé des “mini-Frankenstein”, avec des produits qui vont dans tous les sens, des propositions incohérentes, des équipes qui se marchent dessus, des process qui se contredisent. Là, il ne suffit pas d’ajustements à la marge, il faut marquer un grand coup.

Nous, pour ça, on n’a trouvé qu’une solution : le séminaire stratégique. Avec une personne extérieure pour vous aider à accoucher de ce que vous avez déjà en vous. Régulièrement chez Punchie, on embarque des dirigeants et dirigeantes dans une semaine intense de remise à plat stratégique, et à chaque fois, il y a un avant et un après. Vous allez croire qu’on vend notre sauce. Et oui, on vend notre sauce, mais c’est parce qu’on y croit, à notre sauce (n’hésitez pas à nous contacter si vous avez envie d’organiser ça avec nous).

Comment ça se passe ?

  • D'abord, on enquête. On interviewe vos collaborateurs, on épluche vos KPI, on comprend où vous en êtes vraiment. 

  • Ensuite, on prend l’air, littéralement. Dans un beau cadre, au vert, loin du bureau et des urgences quotidiennes. Il faut s’éloigner physiquement pour prendre du recul mentalement.

  • Puis on s’attaque à la stratégie. Si vous imaginez un “workshop d’idéation” avec des ice breakers gênants, des post-its et des chouquettes, vous êtes loin du compte. On va bosser une semaine entière, timée au cordeau, qui commence par une présentation claire des enjeux. On va vous faire traverser des champs de mines. On va embrasser des complexités imprévues. On va vous pousser à prendre un nombre incroyable de décisions en un temps record. C’est intense, intellectuellement et émotionnellement, mais c’est pour ça qu’on est là.

  • Et on repart avec du concret. Ce ne sont pas deux lignes sur des slides qui vont changer une trajectoire de boîte. On ne sort pas d’un séminaire Punchie avec des bonnes intentions. On repart avec la stratégie et le plan de bataille : vision narrative à 10 ans, vision à 3 ans avec KPI chiffrés, roadmap projets à 18 mois avec owners et deadlines, remise à plat des valeurs, vision business (gouvernance, modèle économique, MVP…) et évidemment : plan détaillé de com interne pour que toute l’équipe s’approprie la stratégie. L’idée, c’est qu’il y ait du changement dès le jour de votre retour.

Ce qu'on observe systématiquement après ? Une "sensation de fraîcheur", "le retour de l’énergie des débuts". Nos dirigeants et dirigeantes nous disent perdre l'essoufflement accumulé avec les années et retrouver une forme de nouveauté. Une envie de se pointer le matin. Un enthousiasme pour l’avenir. Le Graal ? Des nouveaux problèmes qui montrent qu’on a passé des étapes.

Puis ça commence à se voir dans l’équipe : on passe de l’inertie au mouvement. Des gens montent en compétence, retrouvent la patate, d'autres réalisent que le projet n’est pas pour eux, et c’est tant mieux. Car quand une stratégie est claire, elle révèle qui est aligné et qui ne l'est pas.

Et enfin, vous savez enfin quand votre travail est terminé. Le FOMO de ne pas mener certains projets disparaît : vous savez sur quoi centrer votre attention. Vous gagnez du temps et de l’énergie, pour maintenir le momentum et garder le cap.

Bref, vous respirez un peu mieux.

On espère que cet article vous a plu, n’hésitez pas à le partager autour de vous, on se retrouve dans un mois !

Jean et Félix

Envie de vous faire embarquer dans un séminaire marathon, ou simplement d’aborder en coaching vos problématiques du quotidien pour retrouver de l’air ?





Punchline

Punchline

Par Punchie

Nous sommes Félix et Jean, le duo Punchie, entrepreneurs et coachs depuis 7 ans, spécialisés dans l'amélioration de la performance des dirigeant·es à travers les interactions et la communication.
Si vous nous connaissez, vous savez qu’on aime bien travailler dans les coulisses. Être des compagnons de route, mais rester un peu dans l’ombre.
Eh bien c’est fini : avec Punchline, notre newsletter mensuelle sur Linkedin, chaque deuxième jeudi du mois, on met des mots sur les défis du leadership.