Mais qui fait toute la différence
Bienvenue dans Punchline, la newsletter du duo Punchie. Nous sommes Félix et Jean, entrepreneurs et coachs depuis 8 ans, spécialisés dans l'amélioration de la performance des dirigeants et dirigeantes à travers les interactions et la communication. Notre mission : soulever les bonnes questions, décrypter les dynamiques d'équipe, aider les leaders à gagner en lucidité et à prendre des décisions.
Pardon, on a complètement oublié de vous remercier ! Il y a quelques semaines, Punchline a passé la barre des 1000 abonnements. En toute franchise… on ne s’y attendait pas du tout en lançant la newsletter. On se disait qu’on serait lus par quelques centaines de personnes, et on trouvait déjà ça super. Alors voilà : merci à vous de nous lire, de nous forwarder, de parler de Punchline autour de vous !
On en est déjà au septième article de Punchline.
Et depuis le début, on trépigne, parce qu’il y a un sujet qu’on brûle de traiter dans cette newsletter.
L’un des plus importants pour nous. Peut-être le plus important.
Le moment est enfin arrivé d’en parler.
Ce sujet nous obsède.
Si vous avez déjà fait un coaching avec nous, vous le savez : on y revient toujours.
Pour nous c’est la boussole des dirigeants.
Charisme ? Vision ? Leadership ? Résilience ? Intuition ?
Oh là, rien de tout ça.
On se parle de quelque chose de beaucoup, beaucoup moins glamour.
La façon la plus simple de la définir, c’est par son absence.
Vous connaissez forcément ces moments où on évite un truc. Vous savez, quand on ignore un sujet avec énormément d’application. On trouve des excuses, on se concentre sur autre chose, on s’occupe l’esprit dans le but inavoué de ne pas y penser. Tout plutôt que d’affronter ce truc.
Parce que ce truc nous fait flipper. Dans l’entrepreneuriat, ce truc, c'est souvent ce qui pourrait nous faire arrêter la boîte ou perdre notre statut de "succès" : une relation associés qui se dégrade, une stratégie qui ne marche plus comme avant, des chiffres qui alertent, une ambiance qui s’envenime….
Et oui : on se parle de déni. Une fonction bien pratique de notre cerveau qui nous permet d'éviter ce qui nous met en détresse. Mais dans l’entrepreneuriat, le déni est un danger.
Il y a cette phrase qu’on répète souvent :
Ce qu’on entend par là, c’est que le rôle du dirigeant est d’identifier et résoudre en permanence les plus gros risques qui pèsent sur l’entreprise, qu’ils soient internes ou externes. Le déni sur les sujets importants, ça implique des décisions essentielles reportées, des problèmes qui empirent en silence, et à terme des effets potentiellement dramatiques sur la boîte.
Il faut donc s’armer d’une certaine qualité. En fait ce n’est pas exactement une qualité. C’est plus un outil, ou une démarche, vous voyez ?
Ce dont on parle, c’est de lucidité.
Voilà.
Vous vous dites sûrement : tout ça pour ça ?
Qui est contre la lucidité ? Sur le papier, personne.
Et pourtant, la lucidité, c’est totalement à contresens de l’époque. Tout, dans la mythologie entrepreneuriale, appelle à vivre et raconter des expériences intenses. On en fait des caisses sur l’excitation du décollage, l’euphorie du succès, la frénésie de l’accélération, l’ivresse des levées de fond, le rush de la signature d’un gros contrat. Bref, on cherche des sensations fortes.
La lucidité, ça ne donne pas des keynotes inspirantes devant des foules en folie. On n’en fait pas des best sellers, des podcasts, ou des posts LinkedIn.
Car le truc avec la lucidité, c'est que quand on en a... ben on n'a pas grand-chose à raconter. Son rôle est d’éviter les risques, anticiper les problèmes, prévenir les crashs. Or les risques qu’on a évités, ça ne fait pas des histoires très spectaculaires :
“Hé tu sais pas la dernière ? Hier je me suis pas pris une amende !
- Mais non ?
- Ouais, je roulais à la vitesse normale. Tranquille quoi.
- Cool !”
Pour vous dire, le symbole de la lucidité dans la pop culture, c'est Cassandre : cette prêtresse de la mythologie grecque qui prédisait tous les dangers mais que personne n'écoutait. Cassandre, c’est la lucidité “lose-lose” : si on l’écoute, on laisse le cheval en bois dehors, Troie n’est pas mise à sac et on dit qu'elle avait un peu dramatisé. Si on ne l'écoute pas et que c’est la catastrophe, on se dit qu'elle n’avait qu’à mieux se faire comprendre.
C’est toute la difficulté avec la lucidité.
La lucidité, c’est savoir accueillir le doute.
Or, personne ne se lève le matin avec une soudaine envie d'accueillir le doute. La performance d’un collaborateur diminue ? Un metric pique du nez ? Des démissions s’enchaînent dans un temps court ? On perd en motivation et on procrastine ? Sur le papier, rien de tout ça n’est une alerte rouge : on préfère se dire “ça va passer" ou "ça marche encore assez bien." Bien sûr, ces signaux annoncent parfois des problèmes plus graves, mais y prêter attention, ça demande du temps et de l’énergie. Et pour sauvegarder du temps et de l’énergie, on préfère se dire que ça va aller et tenter de maintenir le système tel qu’il est. Or…
Tout bouge tout le temps. Le marché se transforme. Les clients évoluent. L'équipe grandit. La concurrence bouge. Soi-même, on change. De nouveaux problèmes font surface. Et nos beaux systèmes bien stables et rassurants… se fissurent. C’est normal.
La lucidité, c'est accepter ce mouvement perpétuel. C'est voir venir les sujets difficiles à l’horizon avant qu'ils ne nous percutent à 130 km/h. C'est être assez poreux pour sentir venir les changements et les problèmes, et assez courageux pour les affronter.
Mais attention : on n'est jamais "lucide" une bonne fois pour toutes. C'est même l'inverse : la norme, c'est de ne pas l'être. Si tout bouge, on ne peut pas être en parfait alignement avec ce qui nous entoure en permanence. C'est pour ça que la lucidité n'est pas qu’une qualité : c'est une démarche active, un effort constant pour rester à l’écoute et remettre les acquis en question.
Viser la lucidité, c’est tenter de trouver un équilibre complexe entre mouvement et réflexion. Et ça, nous chez Punchie, c’est dans notre propre expérience qu’on l’a compris en premier.
Notre duo, c'est un peu le yin et le yang de la lucidité : Jean c’est l’énergie du fonceur, Félix c’est l’analyse et la prudence. Or, on peut foncer avec entrain dans la mauvaise direction, ou s’enferrer dans la réflexion au point de rester immobile. On a réalisé que la lucidité naissait à la rencontre de ces deux pôles : douter juste assez pour faire les bons choix à temps et éviter l’épuisement et le crash, mais sans saper son énergie et sa motivation pour avancer.
Et ça, ça nous a vraiment sauté aux yeux dans les accompagnements. Le rôle de coach a un avantage unique : c’est une position en retrait, où l’on accueille tout ce que l’on nous livre en bloc. Dans cette posture, le manque de lucidité s'entend comme une fausse note en musique.
Il y a des signes qui ne trompent pas :
L'effet yoyo : surexcitation quand tout roule, surinvestissement dans le travail quand les problèmes apparaissent
La fuite en avant : l'énergie monumentale qu'on met à éviter un sujet difficile (en se jetant tête baissée sur un autre)
Le bouclier : les stratégies d’évitement et les réactions épidermiques à certaines questions, comme le "non mais y'a aucun problème de ce côté-là" qui sort tout seul quand on aborde un sujet sensible
L'épuisement mystère : une fatigue soudaine qui s'installe sans qu'on sache d'où elle vient
Le fatalisme a posteriori : les formules passives comme "il m'est arrivé des difficultés" ou “ça nous est tombé dessus”, cette idée qu’il aurait été de toute façon impossible de voir un problème venir
Avouez, maintenant qu’on les a listés, ces symptômes, vous les avez déjà vus chez d’autres, non ?
C’est parfois difficile de dépasser le barrage du déni. Mais rassurez-vous, comme d’habitude, on va parler solutions.
Nous, on ne connaît qu'un chemin vers la lucidité : le dialogue. On ne peut pas être à la fois dans l'action et dans la réflexion, être au combat et en train de stratégiser. Il nous faut une caisse de résonance en face.
Vous trouviez bizarre qu’on n’aie pas encore parlé de Gladiator dans cet article ?
C’est chose faite.
Mais blague à part, la lucidité c’est un peu ça : trouver l’équilibre entre son Marc-Aurèle et son Maximus intérieurs, car les deux sont essentiels. Pour ça, il faut s'assurer que tous les sujets puissent être verbalisés quelque part : avec son associé, son coach, son psy, ses potes — peu importe, tant qu'il n'y a pas d'angle mort. Le coaching est là pour apporter cette perspective extérieure (si ça vous intéresse, faites-nous signe), mais c’est tout un système de dialogue à construire.
Ça demande du courage. Le courage d’écouter et d'exprimer ses ressentis, d'aller au contact de ses peurs, de prendre le temps de plonger dans les problèmes plutôt que de poser des rustines, de ne pas fuir dans le sur-travail ou les distractions, de se donner l'espace pour penser.
Et qui dit courage, dit énergie. Prendre conscience qu’être lucide est essentiel, c’est aussi modeler son quotidien pour se donner les moyens de l’être, en faisant attention à son sommeil, son alimentation, à faire de l’exercice, bref, se mettre dans les meilleures conditions.
Vous l’aurez compris, on est obsessionnels sur la lucidité.
Mais si on en parle à chaque article (et qu’on va continuer à le faire) c’est parce qu'elle va à contre-courant. Il est fréquent de voir des dirigeants foncer tête baissée, éviter activement de se poser les vraies questions, et aller droit au crash. Tout nous pousse à éviter la lucidité : le rythme effréné, les apparences à tenir, les biais de confirmation du succès. Le risque alors, c’est de s’épuiser ou de s’enfermer dans une vision monolithique et tyrannique par peur de se remettre en question.
Mais si on y tient tant, c’est parce que la lucidité donne plus de pouvoir d’action. Quand on n’évite pas les sujets qui nous font peur, on a plus d’éléments en main pour faire des choix, agir, et transformer les situations. La lucidité redonne le contrôle.
Alors voilà, pas de recette miracle, pas de promesse packagée, pas de bouton on/off. Juste un muscle à entraîner chaque jour, une sensibilité à développer pour voir venir les dangers.
C’est pas glamour, c’est pas toujours gratifiant mais c’est vraiment important.
A dans un mois !
Jean et Félix
Envie d’aborder les questions qui piquent, de gagner en lucidité et de trouver l’équilibre pour performer sur la durée ? Discutons-en :